Ăa fait un moment que je voulais entamer une rĂ©flexion autour de cette notion, qui a fait couler beaucoup d’encre numĂ©rique depuis qu’Anne Hidalgo l’a remis au goĂ»t du jour en 2023. Coquille vide ou nĂ©cessitĂ© pragmatique ? Ce code, qui s’appuie sur une lĂ©gislation datant de 2008, a-t’il seulement Ă©tĂ© appliquĂ© ?
Le Code de la rue selon la législation
Quand on cherche des informations sur le Code de la rue, on tombe bien vite sur des articles polĂ©miques, des prises de parole des uns des autres, des citations de piĂ©tons outragĂ©s, des automobilistes exaspĂ©rĂ©s, etc. Tout cela ne nous dit pas ce qu’il est vraiment. Comme par dĂ©broussailler la notion :
Tut d’abord, voici ce que nous dit le site SĂ©curitĂ© routiĂšre (source) :
La rue pour tous : la lente prise en compte des usagers vulnérables
InspirĂ©e d’une expĂ©rimentation en Belgique, la dĂ©marche du « code de la rue » engagĂ©e en 2006 opĂšre un changement radical dans la maniĂšre de penser les centres-villes : la crĂ©ation d’espaces sĂ©curisant pour les piĂ©tons et les cyclistes.
En effet, Jusque dans les années 80-90, le code de la route privilégiait la circulation automobile et la fluidité du trafic.
La mutation, opĂ©rĂ©e Ă partir des annĂ©es 90 au profit des usagers les plus vulnĂ©rables a conduit Ă lâabaissement de la vitesse maximale autorisĂ©e de 60 Ă 50 km/h en ville et Ă la mise en place des aires piĂ©tonnes et des zones 30.
Mais câest le dĂ©cret 2008-754 du code de la route, en 2008, qui amplifie cette mutation, avec notamment la crĂ©ation des zones de rencontre, pour donner Ă la mobilitĂ© urbaine une autre dimension : sĂ©curisĂ©e, apaisĂ©e et durable.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais mon ressenti de cycliste ne vas pas dans le sens d’une circulation « sĂ©curisĂ©e, apaisĂ©e et durable ». Aujourd’hui, en 2024, on est plutĂŽt dans l’extrĂȘme inverse. Mais quels Ă©taient donc les objectifs de ce Code, et sont-ils atteints aujourd’hui ?
Les objectifs du dispositif
Le code de la rue déroule une triple notion :
Le respect mutuel de tous les acteurs de la voie publique, en rappelant aux automobilistes la nécessité de redoubler de vigilance envers les plus vulnérables ;
Le renforcement de la sĂ©curitĂ©, avec la mise en place d’une signalisation claire, de rĂšgles de circulation et de stationnement spĂ©cifiques, et le port obligatoire dâun gilet de sĂ©curitĂ© pour les cyclistes ;
LâĂ©cologie, en favorisant les modes de circulation doux en ville.
Avec de tels objectifs, on se rapproche plus du vĆux pieux plutĂŽt que de la mise en place de bonnes pratiques. « Respect mutuel », « signalisation claire » et « écologie » sont pourtant des buts tout Ă fait honorables, que s’est-il donc passĂ© pour qu’on en arrive Ă la situation actuelle d’insĂ©curitĂ©, d’agressivitĂ© et de passivitĂ© des pouvoirs publics ?
Les zones spécifiques
Cette Ă©volution du code de la route depuis 2008 s’articule autour de :
L’Ă©nonciation du principe de prudence Ă lâĂ©gard des plus vulnĂ©rables, notamment les piĂ©tons ;
La redĂ©finition rĂ©glementaire des aires piĂ©tonnes et des zones 30 et l’unification de leur signalisation ;
Lâintroduction de « zones de rencontres », ouvertes Ă tous les modes de transport, mais dans lesquelles les piĂ©tons ont la prioritĂ© sur tous. Ces amĂ©nagement spĂ©cifique dâespaces et de stationnement encouragent la cohabitation de tous les usagers.
Pour ma part, je ne suis pas convaincu par les « zones de rencontre » (en pratique, dans ces zones, la « rencontre » ressemble souvent plus Ă une « collision »…)
Quelles conclusions en 2024 ?
Que peut-on tirer des rĂšgles citĂ©es prĂ©cĂ©demment ? Qu’elles iraient dans le bon sens si elles Ă©taient appliquĂ©es par les usagers de la route, et surtout si elles Ă©taient contrĂŽlĂ©es avec fair play par les autoritĂ©s (ce qui n’est pas le cas, Ă mon sens tout du moins).
Quant Ă l’apaisement et Ă la sĂ©curitĂ©, une simple balade en ville en tant que piĂ©ton suffit pour constater que ce n’est pas encore gagnĂ©. Les contre-sens cyclables qui ont fleuri ces derniĂšres annĂ©es, comme les ronds-points en leur temps, sont des installations trĂšs peu coĂ»teuses, et rentables en termes de chiffres, mais tellement dangereuses pour les cyclistes ! En fait, on utilise les usagers faibles pour rĂ©duire la vitesse des automobiles…
Cette forme de logique, qui correspond bien à notre société actuelle, il va nous falloir rompre avec.
Le Code de la rue Ă Paris…
De son cĂŽtĂ©, Anne Hidalgo, constatant certainement la faiblesse de la rĂ©glemention, dĂ©cide de reprendre Ă son compte le principe, pour l’appliquer Ă la ville dont elle est maire. Voici ses prĂ©ceptes :
Vélo, voitures et deux-roues doivent respecter la priorité aux piétons ;
Ătre vigilant et porter attention aux personnes les plus vulnĂ©rables ou ayant des besoins spĂ©cifiques ;
Interdiction de rouler sur les trottoirs en deux-roues motorisés, à trottinettes ou à vélo ;
Ne pas empiéter sur les couloirs de bus, les sas vélo et les pistes cyclables ;
Ne pas dépasser la vitesse autorisée et respecter les feux et la signalisation ;
Attendre avant de s’engager dans un carrefour encombrĂ© ;
Stationner son véhicule uniquement sur les places autorisées ;
Ne pas prendre le volant ou le guidon en cas d’Ă©briĂ©tĂ© ;
Regarder avant d’ouvrir sa portiĂšre en l’ouvrant de la main droite ;
Klaxonner en cas de danger ;
Traverser dans les passages piétons ;
Regarder des deux cÎtés avant de traverser la rue.
Mais ces rĂšgles de base ne sont-elles pas dĂ©jĂ toutes contenues dans le Code de la Route ? Il aurait suffit de les faire appliquer… Aujourd’hui, quel automobiliste parisien ne klaxonne qu’en cas de danger ? Idem avec l’encombrement des carrefours en ville aux heures de pointe : il ne doit souvent qu’aux automobilistes qui s’engagent systĂ©matiquement alors qu’ils ne peuvent pas libĂ©rer la chaussĂ©e, et je n’ai jamais vu une verbalisation Ă ce sujet depuis 15 ans que je roule dans Paris.
Car faire pression sur les automobilistes, en France, cela ne se fait pas. Ici, la bagnole est une culture, et on la respecte jusqu’au plus haut niveau de l’Ătat :
« La bagnole, moi, je lâadore » (Emmanuel Macron, 24/9/2023, France 2)
Peut-on ajouter quelque-chose ?
Alors, le Code de la Rue, c’est quoi en vrai ?
Ă mon sens, et indĂ©pendamment de la lĂ©gislation existante, il existe un ensemble de rĂšgles et de pratiques qui dĂ©terminent la maniĂšre de se comporter sur la route les uns envers les autres. La population des cyclistes, ne l’oublions pas, est constituĂ©e pour partie de gens n’ayant pas le permis de conduire, et qui n’ont donc pas appris les rĂšgles de circulation sur la chaussĂ©e (par exemple, se placer sur la partie gauche de la chaussĂ©e quand on va tourner Ă gauche Ă l’intersection suivante). Les piĂ©tons, de la mĂȘme maniĂšre, n’ont qu’un ensemble de rĂšgles assez restreint Ă respecter (par exemple, attendre que le bonhomme soit vert pour traverser).
Pourtant, tous ces usagers circulent la plupart du temps sans problĂšme ; si on compte quelques dĂ©cĂšs chaque annĂ©e dans des accidents vĂ©lo/piĂ©ton, la grande majoritĂ© est malheureusement causĂ©e par des engins Ă moteur… et par des personnes qui connaissent â ou auraient dĂ» connaĂźtre â le Code de la Route.
Ce qui permet Ă ces usagers de circuler librement, ce sont les rĂšgles implicites qui constituent ce fameux Code de la rue. Je me propose donc de les regrouper ici-mĂȘme, rĂ©pondant ainsi au prĂ©cepte « quand on constate un problĂšme et qu’on ne peut pas y trouver de solution, alors il faut bien le dĂ©crire« .
C’est ce que je ferai dans mes prochains billets sur ce blog.